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    Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires 

    Dans les années de sécheresse quand le blé 

    Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe 

    Qui écoute apeurée la grande voix du temps 

     

    Je t'attendais et tous les quais toutes les routes 

    Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait 

    Vers toi que je portais déjà sur mes épaules 

    Comme une douce pluie qui ne sèche jamais

     

    Tu ne remuais encore que par quelques paupières 

    Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées

    Je ne voyais en toi que cette solitude 

    Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou 

     

    Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie 

    Ce grand tapage matinal qui m'éveillait 

    Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays 

    Ces astres ces millions d'astres qui se levaient 

     

    Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres 

    Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau

    Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères 

    Où nous allions tous deux enlacés par les rues 

     

    Tu venais de si loin derrière ton visage 

    Que je ne savais plus à chaque battement 

    Si mon coeur durerait jusqu'au temps de toi même 

    Où tu serais en moi plus forte que mon sang . 

     

    René-Guy Cadou  ( 1920-1951)


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